GRIMALDI SOCIAL CLUB

THEATRE DE PRISONNIERS POUR UN PUBLIC CAPTIF LE CADRE HISTORIQUE DU PROJET

THEATRE DE PRISONNIERS POUR UN PUBLIC CAPTIF

 

Théâtre en prison : maisons d’arrêt et camps de concentration. Chili 1974-1976

 

 

LE CADRE HISTORIQUE DU PROJET

 

 

On estime à 200.000, les personnes détenues illégalement au Chili après le coup d’état militaire du 11 septembre 1973. Dans les premiers jours, des centaines d’entre elles furent transférées dans des centres de détention et de torture collectifs, comme le Stade National ou le Stade du Chili, des camps militaires comme celui de Tacna, le Quartier Général de la Police d’Investigation ou des camps de prisonniers comme l’île Dawson.

 

Cette pratique s’accompagnait de la détention, du confinement, de la torture et de la disparition dans des lieux clandestins qui se sont multipliés, notamment à partir des premiers mois de 1974 : Londres 38, Villa Grimaldi, Académie de Guerre, Jose Domingo Cañas, etc.

 

Dans un premier temps, le système de désinformation et de surveillance et les traitements inhumains et dégradants auxquels furent soumis les prisonniers rendaient impossible une quelconque organisation.

 

Avec le transfert massif de prisonniers dans des camps de concentration situés à Santiago et dans les villes de province, ont commencé à apparaître les premières expressions d’organisation collective dans certains de ces centres. Bien que les conditions répressives se maintinrent, les détenus n’étaient plus sans communiquer : ils vivaient ensemble dans des maisons, des baraques ou des dortoirs; ils déjeunaient et dînaient dans des salles communes. Cependant, ils ne savaient pas combien de temps ils resteraient détenus et dans de nombreux cas, ne connaissaient pas les charges retenues contre eux.

 

Devant cette incertitude et dans une forme de résistance existentielle, sociale et politique, les premières manifestations culturelles et artistiques ont commencé à surgir, dans des endroits comme Chacabuco, Tres Álamos, Ritoque ou Melinka.

 

 

 

Des artisans, peintres, musiciens, joailliers, tisserands, écrivains, acteurs, danseurs, animateurs, humoristes, metteurs en scène se sont révélés. Ce fut un échange entre ceux qui connaissaient et pratiquaient couramment ces activités et ceux qui s’y sont associés par une vocation inespérée ou inconnue.

 

Dans ce contexte, le théâtre fut une des expressions qui attira le plus les prisonniers. Les petites ou grandes compagnies ou les troupes qui se sont crées et développées dans les camps (et dans quelques prisons) furent à l’origine d’un système de production artistique qui engageait le plus souvent des dizaines de personnes qui n’avaient jamais eu de lien avec le théâtre auparavant: ingénieurs, paysans, architectes, charpentiers ou électriciens se joignirent à l’engrenage collectif pour, dans la majorité des cas, jouer une pièce de théâtre différente chaque semaine.

 

Cette impressionnante activité artistique de résistance à l’intérieur des camps de concentration est pratiquement inconnue. Oscar Castro, directeur du Théâtre Aleph, est un des seuls, sinon le seul, qui a livré un témoignage abondant et public de son expérience théâtrale dans les camps de Tres Álarnos, Ritoque et  Melinka.

 

Aujourd’hui, plus de trente ans après ces moments difficiles et intenses de répression et de résistance, Oscar invite les ex-prisonniers politiques, ses compagnons d’infortune et de songes, pour leurs premières retrouvailles. Au centre de cet appel : la représentation de quatre des nombreuses œuvres théâtrales qui furent crées dans les camps de concentration et qui seront mises en scène avec la même distribution, composée des prisonniers politiques de l’époque.

 

Le lieu où se produira cette rencontre chargée d’émotions ne pouvait être plus symbolique : Le Théâtre de la Mémoire à l’intérieur du Parc de la Paix, construit sur le lieu même où, durant ces obscures années de barbarie, fonctionna un des centres clandestins les plus sanglants de détention et de torture de la DINA : « la Villa Grimaldi ». C’est ici que furent torturés des milliers d’opposants à la dictature et que des centaines de personnes furent assassinées et disparurent.

 

 

 

 

Conservant l’humour noir de ces années là, qui leur permit de supporter cet internement sans horizons, ces prisonniers d’un âge désormais avancé, ont baptisé cette manifestation du nom de « Grimaldi Social Club » 

 

Le théâtre de la répression aveugle où fut torturée et assassinée une femme qui accomplissait son devoir de mère en rendant visite à son fils Oscar Castro. Le théâtre de la séquestration de l’actuelle Présidente du Chili, Michelle Bachelet, et de sa mère ; d’Oscar Castro, de sa sœur Marieta et de son beau-frère John Mac Leod (ce dernier n’en reviendra pas). Le cauchemar de milliers de chiliens est aujourd’hui devenu le « Théâtre de la Mémoire ». Ce Théâtre inauguré par Michelle Bachelet  accueille ces ex-prisonniers qui y vécurent l’humiliation et la torture pour rejouer les pièces qu’ils ont crées dans les camps il y a plus de trente ans. Ils viennent de France et d’autres pays où ils furent exilés à leur sortie des camps. Ils viennent des quatre coins du Chili où ils sont retournés après un exil de plusieurs dizaines d’années.

 

Aujourd’hui ce sont eux qui reviennent hanter la scène et chasser les fantômes et les mauvais esprits qui ont sévit dans ce théâtre. Ils les délogeront en leur soufflant le secret de leur victoire : le mot d’ordre qu’ils transmettaient à chaque nouveau prisonnier : « Souviens-toi camarade, que nous ne pouvons montrer nos faiblesses face à l’ennemi. S’il nous voit souffrir ça veut dire qu’il nous a vaincus deux fois.”

 

Aujourd’hui le « Grimaldi Social Club » démontre à l’ennemi sur le lieu même de ses exactions que c’est eux qui ont « vaincu deux fois ».

 

 

 

 



30/12/2008
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